Vaishnavi Kumar

Anecdotes

Peu après son arrivée en Angleterre, son père l’a contrainte à abandonner leur religion de naissance, l’hindouisme, pour se convertir au protestantisme anglican. Suite à son baptême à la cathédrale de Southwark, on lui impose un nom chrétien qui est officialisé sur ses papiers d’identité : Susan Kumar. Un nom qu’elle n’utilise pratiquement jamais, hostile à l’idée de se débarrasser de son prénom de naissance. Il est aussi celui de sa grand-mère et de son arrière grand-mère et l’une des dernières choses qui la rattache encore à sa tribu d’origine.

On s’étonne généralement de voir Vaishnavi dans les rues de Londres lors de ses jours de repos. Son apparence coquette et soignée la ferait presque passer pour une bourgeoise, mais ne vous y trompez pas. Ayant passé sa vie à tisser, crocheter, coudre ou raccommoder les toilettes des grandes dames, elle porte toujours un regard rêveur et empli d’envie sur ces tissus de belle fabrique qui passent chaque jour entre ses mains blessées par les aiguilles. Sa maîtresse ayant deviné l’attrait de sa jeune servante pour les jolies robes, elle s’est décidée à l’en affubler ainsi que de bijoux précieux, pour son propre amusement. Consciente de l’humiliation d’être utilisée comme la poupée que cette femme se plaît à décorer, Vaishnavi profite pourtant de cette opportunité de se sentir aussi belle que ses riches clientes.

Peu de gens le savent mais son rêve inavoué serait d’être reconnue dans son métier de couturière et d’exercer dans le monde du vêtement de luxe en Europe. Férue de mode, elle parcourt avidement les journaux relatant des nouvelles collections des grands magasins de Paris et Londres. Dans des carnets dissimulés sous son lit, elle dessine des tenues pour femmes que les dames de la Régence ou de l’Empire s’arracheraient si elles étaient disponibles sur le marché, teintées de couleurs et décorées de joailleries rappelait les tenues traditionnelles du Maharashtra.

Même si personne ne souhaite l’entendre, Vaishnavi a beaucoup de choses à exprimer et on ne peut pas dire qu’elle a la langue dans sa poche. Puisqu’elle sait lire et écrire en anglais, alors elle en profite pour raconter son expérience et tenter d’interpeller l’opinion publique britannique sur le sort réservé aux peuples d’Inde qui leur semblent si lointains depuis cette petite île, soumis à la domination anglaise et ses nombreux abus. Sa voix porte beaucoup plus depuis qu’elle est remarquée et soutenue par Robert Owen, des militants qui lui sont associés et des britanniques qui se revendiquent des niveleurs, voire qui s’opposent ouvertement à la colonisation de l’Inde bien que ceux-ci demeurent minoritaires et avancent principalement des raisons économiques. Elle publie sous un pseudonyme masculin, Lord Bishan

Elle est l’une des rares survivantes du massacre de son village lors de la Quatrième Guerre de Mysore, dont elle considère le 1er marquis de Wellesley comme principal responsable. D’une violence inouïe, cet événement a eu des répercussions catastrophiques sur l’état mental de Vaishnavi qui n’avait que sept ans à l’époque. Encore aujourd’hui, elle est rongée parce ce qu’on appellera bien plus tard la « culpabilité du survivant ». Des souvenirs continuent de la hanter par pensées intrusives ou dans des cauchemars, n’importe quel geste ou bruit trop fort peut déclencher chez elle une attaque de panique et son humeur peut devenir extrêmement versatile, passant de la joie aux larmes puis à la colère à un rythme anormal.